Renouant sur un mode souvent humoristique avec le besoin de
s'instruire en s'amusant, le XIXe siècle a vu l'apparition de jeux
de cartes de fantaisie à caractère familial, liés à la logique
d'une industrie commerciale dépendante de la « nouveauté »,
au développement de nouvelles techniques d'impression ainsi
qu'à l'émergence d'une bourgeoisie prospère, soucieuse d'offrir
ce type de distractions à ses enfants. Face à la multiplication
des thèmes et des formes de jeux, les illustrateurs vont donner
libre cours à leur talent.
Les Happy Families des pays anglo-saxons (avec leur ancêtre
probable, américain, Doctor Busby and his neighbors, daté de
1843), les Jeux des sept familles typiquement français - à
commencer par celui du célèbre caricaturiste André Gill en
1876 - ou les Quartett nés dans les pays germaniques, sont
des témoins non négligeables de l'histoire sociale et de
l'histoire du jeu en général.
Témoin des transformations du monde et de la société
contemporaine, le jeu de familles sait encore se renouveler et
se transformer grâce à l'imagination et l'humour des
créateurs.
L'extraordinaire diversité des jeux de cartes joués au 19e siècle
avec des cartes non conventionnelles est méconnue.
Se souvient-on des Bâtons rompus, du Jeu des pénitences
ou de La fée vaillante, du Family coach, de Voilà
Pierre, du Jeu du Jury pour rire ou encore de Monsieur
le curé n'aime pas les O ? De ces temps anciens, il ne
nous reste guère que quelques prolifiques familles de
jeux particulièrement appréciés des enfants : les Jeux de
familles, les Quartett et les Pierre Noir.
-
Le Jeu de Pierre Noir ou du Pouilleux est un jeu de
familles un peu pervers, voire stigmatisant, puisqu'il s'agit de
désigner non pas un gagnant
mais un perdant. Toutes les cartes sont distribuées, puis, à
tour de rôle, les joueurs piochent une carte dans la main
de leur voisin. Toutes les cartes allant par paire sauf une,
chaque paire constituée est défaussée. Le perdant est
celui qui reste avec la carte solitaire, généralement une vieille
fille (Old maid, dans les pays anglo-saxons,
Baba nuki au
Japon), un chat noir (Mistigri) ou un ramoneur appelé Pierre Noir
(Schwarzer Peter, Tcheren Peter, Zwarte Piet, Piotrus...).
L'illustration ci-contre vient d'un jeu de la Société Française des Jeux et Jouets.
-
Le Quartett, d'origine allemande, comprend plusieurs
séries de quatre cartes toutes différentes. Une table ou un
chiffre inscrit sur chacune d'elles permet de connaître le
nom ou le numéro des autres cartes de sa série. Le but du jeu
est de reconstituer ces séries en demandant les cartes
manquantes. L'intérêt pédagogique de ce jeu a été
perçu par les éditeurs qui l'ont décliné en un nombre infini de
thèmes. Depuis les années 1950, on joue aussi au Quartett
un peu comme au jeu de la Bataille en comparant
diverses valeurs (par exemple : vitesse, poids, longueur...)
indiquées sur les cartes. C'est le Top trump.
-
Le Jeu des 7 familles est constitué quant à lui de sept familles
de six cartes. Comme au Quartett, il faut demander aux autres joueurs les
cartes manquantes. En plus d'un siècle, un certain nombre de variantes ont
modifié sensiblement les manières de jouer. En voici quelques unes.
-
Le nombre de joueurs est illimité ou réduit à 7 joueurs maximum.
-
Le nombre de cartes distribuées est limité ou non,
et dans ce cas, il n'y a pas de pioche.
-
Le rôle du donneur est attribué, après une première distribution de
cartes, au premier joueur qui reçoit une carte définie à l'avance ; ou
peut l'être à celui qui a fait la 7e famille au cours de la partie précédente.
-
Les cartes sont demandées au joueur situé sur sa gauche
ou à n'importe quel joueur.
-
La carte demandée doit appartenir à une famille dont on possède
déjà au moins une carte. Pour le prouver, il est parfois
requis de montrer cette carte.
-
Les familles constituées peuvent être étalées à découvert
devant soi, ou non. Si
les cartes permettent de réaliser des frises, c'est quasiment
obligatoire.
-
Les joueurs peuvent miser un nombre convenu de jetons avant
de commencer
à jouer. Dans certaines règles, chaque joueur, au fur et à mesure qu'il complète
une famille, récupère 1/7 du pot. Cela n'a bien sûr d'intérêt que si l'on joue plusieurs parties.
Bibliographie
Cette bibliographie sélective est disponible au centre de
documentation du Musée Français de la Carte à Jouer
à Issy-les-Moulineaux
La carte ci-contre vient d'un jeu de 7 familles de Willeb.
Ouvrages
- Les cartes à jouer du quatorzième au vingtième siècle / Henry René D'Allemagne.- Paris : Hachette et Cie, 1906.
- Victorian Parlour Games / Patrick Beaver. – Wigston: Magna Books, 1995 (première edition: Peter Davis Ltd, 1974)
- A History of card games / David Parlett.- Oxford: University Press, 1991
- Jeux de société – Le guide du collectionneur des jeux de société depuis le XVIIIe siècle à nos jours /
Caroline Goodfellow.- Londres : Quintet Publishing Limited, 1991 [Carrousel MS pour l'édition française, 2001].
- Dictionnaire des jeux de société / Jean-Marie Lhôte .- Paris : Flammarion, 1994.
- Playing-cards of the world / John Berry.- Londres [l'auteur], 1995 ( catalogue of the collection of the
Worshipful Company of Makers of Playing Cards owned by Guildhall).
- The Catalogue of Happy Family games, (vol.1, 2, 3) compiled by Mary Gardiner and John Hayter. -
Angleterre, 1997-1999
- Sept familles à abattre : Essai sur le jeu des sept familles / Claude de La Genardière.- Paris : Seuil, 2000
- Jouets et compagnie / Gilles Brougère. – Paris : Stock, 2003
- Histoire(s) des jouets de Noël / Michel Manson. – Paris : Téraèdre, 2005
- Jeux de l'humanité : 5000 ans d'histoire culturelle des jeux de société / Ulrich Schädler ; et al.- Musée suisse du jeu. Genève : Slatkine, 2007.
- L'imagerie des jeux de société au XIXe siècle / Françoise Mahy, Geneviève Perrot. Caen : Editions GPFM, 2012
- Jeux des sept familles et compagnie / Agnès Barbier & Gwenael Beuchet.- Petit Journal d'exposition (12
déc. 2012-31 mars 2013). Musée Français de la Carte à Jouer, Issy-les-Moulineaux, 2012.
Articles de périodiques
- In As de Trèfle (Bulletin de l'ACCART): « Jeux de cartes non conventionnels (1 & 2) », Thierry Depaulis.
Nouvelle série, n°2, oct. 1999 ; n°3, mars 2000.
- In Bild Druck Papier-Volum : « Familienkartenspiele : SpaB für die ganze Familie [Jeux de familles, du
plaisir pour toute la famille] » / Ernst Krumbein, 1996.
- In Kartofilen: « Special feature: Happy Families and Black Peter Decks » / Leif Ekengren, Suède. N°
2/04, Avril 2004
- In Newsletter of the English Playing Card Society: « Happy Families, an old game with new faces » /
Major Donald Welsh. Nov.1992.
- In Le Vieux Papier, Actes du colloque « Papiers, Images, Collections » : « Jeux nouveaux il y a 100 ans :
les éditeurs français de petits jeux de société à la fin du XIXe siècle » / François Richard. Fasc.358,
Paris, octobre 2000.
- In XXIe Congrès de généalogie: « Les métiers dans les Jeux de 7 familles » / Xavier Guyot. Lille, 2011.
- In The Playing-Card: « Black Peter and Other Historical Card Games for Children » / R.Kaysel. - XII/ 1-2,
1983. « Black Peter again but different » / W.Suma.- XVII/ 2, 1988.
Sites Internet