Christian de Ryck

Le portrait français

Jeux


Introduction

Le portrait français, aussi appelé portrait de Paris est apparu au XVIIe siècle. Il faillit disparaître durant la Révolution française puis ensuite par le portrait de David durant l'Empire en 1810. Finalement il fut redessiné par Nicolas Gatteaux en 1813 et devient le portrait officiel français. Le portrait double-tête fut adopté par l'administration en 1832, la cassure devant être oblique. Les figures sont nommées. De ce portrait, dérive directement de nombreux portraits (Pays-Bas, états allemands, cantons suisses) dont le portrait belgo-génois qui était une variante pour l'exportation.

Le valet de trèfle s'appelle aujourd'hui Lancelot. Ce nom vient de Lancelot de Lac, personnage célèbre du roman de la table ronde. Il porte un bluteau ovale. Au XVIIIe siècle, ce bluteau porte la marque du cartier. De 1813 à 1945, il porte une mention légale avec la date de création du portrait. Ensuite, le sujet devient libre. En 1971, Jean-Marie Simon (France Cartes) tente un nouvelle version dessinée par James Hodge.

Les cartes ci-dessous proviennent de plusieurs collections publiques ou privées.



16e et 17e siècle

Les enseignes (pique coeur, carreau et trèfle) sont fixéees définitivement au début du 16e siècle mais les figures sont variables jusqu'au milieu du 17e siècle. Les premières cartes connues au portrait de Paris datent du début du 16e siècle. Il s'agit d'une planche de Guyon Guymier. Le valet de trèfle s'appelle JUDAS MACABEUS (Judas Maccabée), et il fait référence à un des neuf preux.

Dans "Les vœux du paon" de Jacques de Longoyon, les neuf preux sont

Le valet de carreau s'appelle HECTOR DE TROYS ce qui a donné le nom de ce portrait, précurseur du portrait officiel de 1701. Confondant Hector de Trois avec un cartier de Trois, le jeu anonyme (bluteau vide) a été réédité par France-Cartes sous le nom "Jeu de la couronne" puis "Hector de Trois". La mention "Édité par B.-P. Grimaud France" a été ajouté par France-Cartes pour cette édition (voir ci-contre).

La carte de R. Le Cornu du milieu du 16e siècle est une contrefaçon parisienne d'un jeu rouennais. La carte de 1697 provient d'une planche gravée par Louis Simonneau pour le chapitre "l'art du cartier" de Duhamel de Monceau, pour l'encyclopédie "description des arts et métiers"



1701

En 1701, Louis XIV taxe les jeux de cartes et impose une refonte du portrait. Les marques obligatoires sont trois fleurs de lys dans un cercle et la mention "G. DE PARIS" (Généralité de Paris). Le plastron du valet de trèfle montre un soleil.

Le valet de trèfle n'a donc pas encore de nom. Il ne sera nommé explicitement Lancelot qu'à partir de 1778. Les autres cartes sont toutes nommées, avec quelquefois des variantes orthographiques comme Cézar pour César ou Judic pour Judith.

CouleurRoiDameValet
CharlesJudithLahire
CésarRachelHector
AlexandreArgineLancelot
DavidPallasHogier


1719

L'impôt sur les cartes disparait. Les marques obligatoire aussi. Certains cartiers comme A. Gojon ou Michel Fulletot mettent leur nom à la place du "G. DE PARIS". Les fleurs de lys entre les jambles du valet de trèfle sont remplacées par les fleurs et feuilles du 17e siècle.

Contrairement a ce que croyait Sylvia Mann (Alle Karte, 1990, n° 130), Jean Gisaine est connu dans les années 1760-70.

Les six cartes en noir & blanc viennent de la collection J.-P. Seguin. Elles montrent différents bluteaux utilisés par Alexandre Raisin, F., I.L. & L. Noyal.



1746

L'impôt sur les cartes est rétabli. La gravure sur cuivre commence à être utilisée. Le soleil sur le plastron est remplacé par un motif et un nombre qui permet d'identifier le tirage. Le pan de manche de la main qui tient la hallebarde s'orne d'hermine. La mention "G. DE PARIS" réapparaît.



1751

Le portrait est plus ramassé. Le pan de manche de la main qui tient la hallebarde disparait jusqu'en 1778.

J. Minot et Mandrou sont deux cartiers de Paris. L'adresse de Mandrou est "Au roi du Siam", rue de l'arbre sec. Les cartes ci-dessus ont servies ensuite de fiches de biblothèque, d'où le trou. La carte de Poitier a servi par la suite comme billet de confiance (bon pour 6 sols) pour la ville de Saint Maixent.



Variantes provinciales et étrangères

Le portrait de Paris, plus ou moins modifié, a été utilisé en province et dans plusieurs pays comme l'Espagne ou le Portugal. Dans le jeu de François Tourcaty (collection Claude Guiard), destiné à l'extérieur, le valet de trèfle se nomme "PAMPHILE" (une allusion au jeu du même nom).



1813

Le valet porte l'abeille du premier empire. Il existe des jeux où le bluteau n'est pas le bluteau officiel avec la mention "ADMINIST. DES DROITS INDIR." (administration des droits indirects) et signé Gatteaux.


1816

En 1816, sous le règne de Louis XVIII, on revient au portrait de l'ancien régime. La fleur de lys revient à la mode. Elle disparait avec l'avènement de Louis-Philippe en 1830. Elle est alors remplacée par une petite rosace.

Les jeux ci-après sont tous anonymes et portent le bluteau officiel de 1816. Les figures sont toujours en pied. Les jeux ont 32 ou 52 cartes. Le dos est généralement blanc pour les jeux français.


1827

Le portrait devient double-tête. La date sur le bluteau est modifiée.


1850

On revient temporairement au portrait en pied. La date sur le bluteau est modifiée.


1853

Le dernier bluteau daté est celui de 1853. Ces jeux seront en usage jusqu'en 1945. On peut préciser la date des jeux avec le cachet fiscal présent sur l'as de trèfle entre 1894 et 1945.

Décret du 12 avril 1890

Article 1er. - L'as de trèfle des jeux au portrait français intérieur sera frappé d'un timbre spécial dont l'empreinte sera déposée au greffe de la Cour d'appel de Paris. Le même timbre sera apposé pour chacun des jeux au portrait étranger destiné à l'intérieur sur une carte, toujours la même pour chaque portrait, et dont la désignation sera faite par la régie des Contribution Indirectes. La carte marquée du timbre sera placée la première du côté opposé à la bande de contrôle. Une découpe partiquée dans l'enveloppe devra permettre de constater la présence du timbre sans rompre la bande.
Article 2. - Les jeux tant au portrait français qu'au portrait étranger envoyés à l'exportation ne devront pas porter le timbre institué par le présent décret.
Pour les jeux au portrait espagnol, catalan, tarot italien et aluette, le cachet était apposé sur le 2 d'épée. Ce cachet a été utilisé jusqu'en 1940.
Le cachet rouge existe depuis 1896 pour les jeux destinés aux casinos et aux cercles de jeux. Entre 1894 et 1896, ce cachet a été ajouté sur des jeux ayant déjà un cachet bleu.
L'enveloppe des jeux pouvait aussi porter le montant de l'impôt.


1945

Le cachet humide cesse d'être apposé sur l'as de trèfle mais les jeux restent soumis à une taxe de 55%. La taxation spécifique sur les cartes à jouer disparait le 1 janvier 1959 et elle est remplacée par la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée). Le bluteau ne porte plus de mention obligatoire. Le portrait français n'est désormais plus soumis au contrôle et à partir de 1950, de nombreuses variantes existent. Elles subsistent peu de temps, les joueurs préférant le modèle antérieur.

Le jeu de Carta Mundi a été produit pour le casino de Montréal. Il a été annulé par perforation centrale et marquage au feutre sur la tranche. La fleur de lys reprend celui du drapeau québecois.



Bibliographie